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| Sujet: [RP-Animation] Mon beau sapin, roi des Forêts.. Ven 15 Déc 2017 - 23:39 | |
| - Eulalie a écrit:
- ******J'avais promis de faire plus que passer devant. J'avais promis de m'y arrêter. Je ne sais pas à qui je tins cette promesse, mais puisque c'était entendu, je devais le faire. Cette nuit, loin de la foule de Montpellier, j'avance. Ma trop lourde besace me scie l'épaule, emmitouflée dans ma capeline, tête encapuchonnée, je progresse plus mélancolique que jamais. Les souvenirs me reviennent.
******Ma mère, sordide et envieuse femme, haineuse et mauvaise mère, tenant d'une main de fer le troupeau sans qu'elle ne puisse cependant rien faire pour Jehan mon frère aîné, absent en cette veillée, qui rentrera certainement aussi plein qu'une puterelle aux heures de pointes. Philippe son cadet, assis devant la cheminée, tournant sur sa broche, le coq cuit pour l'occasion; ma sœur, Clotilde, mettant le couvert en trépignant, impatiente de manger plus que l'ordinaire; quand Michel, mon cadet machouille rêveur sa manche. Et moi, devant réciter à hautes voix les prières de la veillée de la Noël , je m’inquiétais silencieusement pour mon père qui ne rentrait pas de sa forge. Quand soudainement, un sifflement résonna sur la Landes, je collais mon nez aux carreaux de la vitre, et alors, je le vis. Son allure fière et satisfaite de ceux qui ont bien remplie leur journée, m'arracha enfin un sourire. J'ouvris vivement la porte en me moquant des braillements de ma mère, prête à plonger dans les bras protecteurs paternels mais un coup de tête de sa part m'intima à sortir le rejoindre au dehors. J'attrapai mon châle, le posai rapidement sur mes frêles épaules puis chaussée de mes godillots, je le retrouvai, freinée entre inquiétude et joie. Il posa de suite l'index de sa dextre sur ses lèvres, sa senestre fouilla sa poche, ou il en sortit un médaillon en me faisant un clin d’œil. Sous mon regard ébloui, il le déposa dans ma main qu'il referma solennellement en poing :
- Pour toi. Mais chut. Pour l'aide que tu m'apportes avec les chevaux quand je dois les ferrer.
Je me souviens de son odeur alors que j'enserrai sa taille de toute la force de mes dix ans. L’émanation tenace de la suie mélangée à celle âpre, du fer. Je relevai la tête et sous son regard rieur du plaisir accompli, je lui murmurai un simple :
- Merci
Mon père est mort depuis bien longtemps quant au médaillon.... Ma mère l'a vendu pour s'offrir une énième vêture. J'ai perdu tout deux, à jamais.
******Je relève légèrement ma tête et lentement je suis la rue qui mène à ce grand sapin.Je ne comprends pas qu'on puisse abattre un tel arbre, non, je n'arrive pas saisir l'importance que l'on porte dans ce symbole. A part moi, je songeais qu'il ne servirait même pas à réchauffer quiconque, mais juste à faire . A faire quoi d'ailleurs ? Un objet pour les autres ? Un objet qui se meurt, est cela qu'ils veulent montrer à leurs enfants, leurs amis, leurs proches ? Que l'on peux tuer ainsi ; juste pour en faire un ornement ? Non, je ne comprenais pas. Et pourtant j'avance vers lui. Cependant, je n'ai pas l'intention de l'orner de quoi que ce soit. Non, mon bien est tout autre.
******C'est Sub qui m'a aidé à le trouver. Il n'en sait strictement rien, évidement. Cependant, c'est à lui que je le dois. A ses souvenirs plus exactement. Un léger sourire se dessine sur ma face. Nous avons tant et si peu de souvenirs ensemble. Étrange mélange. Mes pensées s'égarent et je repense à ce début de soirée, alors que je suis entrée dans le taudis réservé. Il y étais seul, c'est cela qui m'a poussé à en franchir le seuil. Je n'aimais pas le savoir seul. Il y a là, pour moi, quelque chose de .. dérangeant. Jamais il n'a fait cela. Il n'a rien compris de ma démarche, pourtant, je reste satisfaite de moi. J’étais venue lui tenir compagnie un moment, avant qu'une autre personne ne le rejoigne, mais il a tant changé. De fanfaron, il est devenu taciturne, de son humour d'antan ne reste que des cendres. Il ne sait plus rire, ni de lui-même, ni des autres. Il n'est plus que colère. Peut-être n'est ce qu'avec moi après tout. Pourtant je n'ai aucune animosité envers lui, je n'en ai même jamais eu, mais lui....
******D'ailleurs, il lui fallut combien de temps pour venir me parler de vengeance ? Deux ? Trois jours ? Et pour quoi ? Pour deux boules de neige lancées sur lui alors que je sortais de chez les bonnes sœurs avec l'envie de vivre et de rire. Pour rien en somme. Il aurait tout aussi bien pu en rire lui même, et me les renvoyer. Mais non, il a préféré la rancœur et parler de vengeance. Son insouciance est morte et plus le temps passe, et plus je doute qu'elle ne lui revienne jamais. Et de cela j'en suis navrée et encore plus attristée. C'est pour cela que je suis allée le voir. J'avais juste envie de le voir rire de nouveau. J'ai raté. Je rate toujours avec lui. Un soupir de désolation s’échappe de ma gorge, je suis si désolée de le voir ainsi. Ober …Que m'avait elle dit déjà ? Les hommes ne voient que ce qui est concret ? Et bien, même le concret son frangin ne veut plus le voir. Tant pis, je ferrai comme avec d autres, je ferrai « comme si ».....
******Voila. J'y suis. Devant moi la grande place , il est temps que je dépose le premier , non pas présent, mais objet que je veux laisser ici. Je prends ma besace à pleine main et en sort ce que jadis, il y a bien longtemps, je faisais. Une bougie à la cire d abeille. J 'ai pris soin de l'enfermer dans une lanterne afin que sa flamme ne s’éteigne pas. Et tout en la posant sur le sol, je me récite mentalement : Une lumière pour éclairer les hommes. Je poursuis ainsi et dessine un chemin de lumière jusque vers cet arbre et a chacun de mes arrets j y ajoute mentalement un mot : pour la paix, pour la joie, pour la beauté, pour l'amour. Puis arrivée devant cet arbre qui va mourir, j y ajoute : pour la Vie.
******La besace plus légère, le cœur débordant de liesse, je fais chemin inverse. Un dernier regard en arrière, sourire aux lèvres, mon chemin de prières illumine la nuit.
Satisfaite, je retourne me réchauffer au coin de la cheminée d un taudis quelconque, un godet à la main.
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