Admin Admin
Messages : 1168 Date d'inscription : 18/02/2011
| Sujet: [Rp] Le lac de Millau Mar 21 Mar 2017 - 15:28 | |
| - Eulalie a écrit:
.... Le chemin inverse est pire que celui de l’aller. Chacun de mes pas sont lourds, chacun de mes souffles me lacèrent le cœur, chacune de mes pensées me déchirent l’âme. Chaque instant est douleur.
........................ Millau, des remparts, aucun sursis.
.... Devant le feu de camp que j’ai allumé, je ne transpire plus la peur mais ; le manque, le désespoir. Sans lui, mon ouïe est obstruée, mon palais engourdit, ma vision altérée, mon olfaction corrompue, mon toucher mutilé. L’entendre, le gouter, le voir, le sentir, le toucher…. perdu à jamais. Assise, le menton posé sur mes genoux replié, j’enserre mes jambes de mes bras. Je tremble. Mes prunelles grises immenses dans mon visage accablé se portent sur l’horizon sans le voir. Reflet de ma désespérance. Je plonge. Je souffre sans résistance, je cherche ma respiration qui aiguise la plaie béante de son absence. Je suis seule responsable. Je le sais. Je n’ai jamais su aimer, personne ne me l’a enseigné. Ma mère et son indifférence ont occulté ce sentiment et m’ont prouvé que j’en étais indigne. Rien.. Je ne suis rien. Tant d’autres me l’ont prouvé par la suite. Je n’ai pas oublié. Alors, qu’ai-je donc espéré ? Personne ne peut aimer une chose aussi insignifiante que moi. Jamais je ne pourrai croire quiconque me montrera un tant soit peu, le contraire. Mais alors, pendant ce temps …
.... Chaque seconde je m’enfonce. Chaque seconde, je respire son absence. Chaque seconde me mutile. Chaque seconde, je décline amputée. Chaque seconde, le vide m’envahit. Chaque seconde, le froid me remplit. Chaque seconde …. me tourmente. Quand la souffrance en est à ce point intolérable, je m’accroupis et ceinture, tremblante, mes propres bras. Mes iris ouverts se figent sur des souvenirs qui m’accablent un peu plus. Ses bras ... Sa chaleur … mais la réalité reste autre. Je serre plus fermement mes bras : J’ai froid .. si froid loin de lui. .... Alors mes pensées au paroxysme du supplice, je songe à lui écrire ; à faire demi tour, à le supplier de pardonner mes erreurs, mes sautes d’humeur, mes doutes et mes peurs. Je le vois m’accueillir souriant et je cours au devant de lui. Je m’arrime à ses yeux immenses, plonge dans ses bras alléchants, respire sa senteur troublante, fourrage ses cheveux, m’enivre de ses lèvres, me perd sur son audacieux, pour y trouver, enfin, la paix cent fois recherchée. Pourtant l’instant suivant, je me reprends. Non, il te détesterait d’autant plus, il n’aime pas les mots passionnés, déteste les supplications. Garde-t’en. Sauvegarde un peu de fierté. Et souviens-toi : tu n’as rien à aimer, rien. Repenses à son refus de t’accompagner, remémore toi les biches qui l’entouraient, n’oublie pas sa froideur, l’écœurement de ta simple présence. Laisse-lui la liberté de chasser, c’est comme cela que tu le serviras au mieux. Accepte cette sentence, cède lui ce dont il a besoin, n’exige aucune compensation. C’est ainsi que l’on t’a appris à fonctionner, c’est ainsi que tu aimes.
.... Je sais alors que mon combat ne fait que commencer. Les prunelles sèches, je déglutis difficilement, l’estomac noué devant l’évidence. D’autres pensées, d’anciennes connaissances …… Oui, c’est ainsi que j’ai toujours fait. Rester une ombre, une bouée le temps d’un naufrage puis disparaitre quand l’orage est passé …. Sans que personne ne s’en rende compte ….. Les laissez savourer leur bonheur retrouvé et sombrer …. jusqu’au prochain naufrage que je croiserai…. Vivre autrement ? Personne ne me l’avait enseigné. Ce jour, la seule différence demeurait dans le fait que la bouée n’avait jamais été engloutie aussi profondément. Elle n’était pas certaine d’en rejaillir.
.... Je me redresse enfin, l’estomac plombé, j’étire mes muscles endoloris. Un dernier regard vers le feu qui déjà s’éteint. Puis…… Une silhouette courbée qui repart, une ombre …. Un point dans l’horizon …. Une bouée crevée qui se noie dans un océan jamais maitrisé. D’autres sentiers, d’autres lieues mais toujours la même pénombre abyssale de la douleur lancinante. Un jour peut être, j’émergerai sans prévenir pour redevenir, l’espace d’un instant, une bouée... Mais pas encore, pas encore.......Pour l’heure je tentais seulement de calmer les lames de fond déchainées des profondeurs :
.......................... Survivre à son absence.
| |
|